Jeunes : Halte aux préjugés

Une étude menée par le Centre d’Etude et de Recherche de l’UNI (CERU) démontre que les jeunes entre 18 et 25 ans sont plus optimistes, engagés, autonomes et moins attirés par la fonction publique.

 

« Les jeunes ne pensent qu’à eux, ils sont individualistes », « les jeunes sont pessimistes et n’ont pas confiance en eux », « les jeunes veulent devenir fonctionnaires car ils ont peur de l’entreprise », « les jeunes sont atteints par le syndrome de Tanguy, ils ne sont pas autonomes », les clichés sur les jeunes sont nombreux et bien ancrés dans les esprits. Pour 70% des Français, les 15-25 ans sont égoïstes,56% les trouvent irresponsables quand 62% estiment qu’ils ne savent pas se prendre en main. Face à l’image négative des jeunes qu’a presque la moitié des Français (49%), le Centre d’Etude et de Recherche de l’UNI (CERU) a réalisé une étude pour lever cinq préjugés. Le but, démontrer que « la jeunesse n’est plus ce qu’elle était… et tant mieux ! ». Avec 9,6 millions de Français âgés de 18 à 29 ans, ces stéréotypes posent un vrai problème social. Politiques inadaptées ou discriminations à l’embauche, les jeunes souffrent d’un problème d’image. « J’ai déjà entendu dire par des personnes de ma famille que les jeunes actuellement étaient trop assistés et incapables de se débrouiller seuls. J’ai souvent l’impression que les personnes plus âgées pensent que nous dénigrons et méprisons les métiers d’ouvrier » explique Chrystelle Delord, une étudiante de 20 ans. Thomas Réa, étudiant et auto entrepreneur lyonnais de 21 ans, confirme ce sentiment : « Quand on voit tout ce qui est demandé à un jeune aujourd’hui, ne serait-ce que pour louer un appartement, on ne nous fait pas confiance et cela nuit à nos conditions de vie. C’est désagréable de se sentir surveillé par le vigile quand on fait ses courses ». Aujourd’hui, les jeunes Français sont considérés comme faisant partie des plus pessimistes du monde. En cause, le système scolaire qui casserait et classerait les élèves. Pourtant, si 83% des jeunes pensent que le monde va mal, 75% jugent avoir confiance en eux, même si presque la moitié considère que la vie sera plus dure qu’avant (45%). Mikhaël Defoly, étudiant lyonnais de 20 ans logeant à Marseille depuis un an pour ses études, s’estime « plutôt optimiste sur mes projets d’avenir. Après, il est vrai que la population a tendance à être plus méfiante envers un jeune, car les préjugés sont là ». Et de préciser «je n’ai pas peur fondamentalement de l’entreprise, au contraire, je veux en créer une ». Une foi en eux que partage Caroline Savoie, 22 ans : « Les pessimistes sont ceux qui font le plus de bruit, du coup l’image reflétée par les jeunes c’est celle-ci. Mais autour de moi, je vois plutôt des jeunes qui veulent s’en sortir ». D’où vient donc cet écart entre le quotidien des moins de 30 ans et l’avis général ?

La société, grande responsable ?

Catherine Girod, mère de deux enfants, pointe le décalage entre les générations : « Sur le plan relationnel, il y a beaucoup plus de discussions entre mes enfants et moi qu’il n’y en avait entre moi et mes parents. Mais la technologie les rends individualistes, ils n’y sont pour rien. Dans le quartier, les gamins jouent ensemble, c’est quand ils grandissent qu’ils sont tentés par les nouvelles technologies ». La raison serait donc sociétale ? Chrystelle Delord y croit : « notre société va trop vite, ne se préoccupe plus des  personnes elles-mêmes mais uniquement de faire fonctionner les rouages. C’est comme une énorme machine qui aurait été construite pour nous rendre la vie plus sophistiquée, mais si difficile à garder en bon état qu’elle rend les gens esclaves » mais Mikhaël Defoly évoque une autre tendance, celle de vouloir être maître de son destin, de ne « pouvoir compter que sur soi-même pour réussir, d’être seul décisionnaire de son avenir, de ses projets ». Néanmoins, Catherine Girod, en maman très proche de ses enfants, estime qu’au-delà du fait sociétale, il demeure aussi un vrai problème de valeurs : « Je pense que mes enfants partagent les mêmes notions de respect, de fidélité que moi et savent que tout ne leur est pas dû. Mais il y a une grosse démission des parents aujourd’hui qui ne sont plus là pour inculquer ces valeurs ou qui eux-mêmes ne les partagent pas ». D’autres, comme Thomas Réa ou Mikhaël Defoly estiment, amers, que l’explication est ailleurs : « Qui brûle des voitures, passe son temps à flemmarder, à se torcher en soirée ? Nous, les jeunes. Je pense qu’une sensibilisation à l’importance de la vie en communauté, aussi bien pour les jeunes que les adultes, serait important ». Mikhaël Defoly tente d’expliquer ce phénomène par la « tendance générale de la jeunesse à l’excès. On teste ses propres limites et celles des autres ». Car même si les 18-25 ans semblent impliqués et engagés dans leur vie quotidienne – le nombre de jeunes dans une association politique ou sociétale a triplé depuis 1999 –, ce n’est une fois de plus pas l’image que semble recevoir les Français qui pensent pour plus de la moitié que les jeunes ne sont pas solidaires et qui estiment pour 70% que les 18-25 ans sont individualistes. Un chiffre qui révolte Catherine Girod et face auquel Mikhaël Defoly préconise le dialogue : « Il faudrait prouver à la population que les jeunes ne sont pas ignorants des problèmes de la vie quotidienne et sont plus informés qu’on ne veut bien le dire et le croire. Les médias devraient montrer davantage de jeunes qui s’en sortent que de jeunes qui galèrent et sortent du système scolaire sans diplôme et sans idée de ce qu’ils pourraient faire comme métier ».

La fonction publique n’est plus un Eldorado

Alors que 75% des jeunes auraient aimé travailler dans la fonction publique en 2004, une enquête Harris de 2011 révèle que seuls 30% des 18-24 ans souhaiteraient être fonctionnaires (contre 26 % pour l’ensemble de la population). Un net recul à mettre en perspective avec la vague de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, qui fait reculer la sécurité de l’emploi évoquée par 59% des jeunes il y a sept ans. Pourtant cette baisse significative divise. Si pour Caroline Savoie « la fonction publique reste synonyme de job sûr », Mikhaël Defoly voit en ces chiffres le prolongement des préjugés sur la fonction publique : « Certains jeunes préfèrent faire un métier qui ne leur plait pas mais dans lequel ils ont une sûreté de l’emploi et quelques avantages, que de faire un boulot qui leur plait mais qui comporte davantage de risques et de contraintes ». Il faut dire que lui et Thomas Réa font partie des 54%des 18-24 ans qui souhaitent monter une entreprise, quand 40% des chômeurs ont moins de 30 ans. Ce chiffre n’étonne pas Mme Girod qui s’estime anxieuse pour l’avenir social de ses enfants : «L’emploi, la précarité et la couverture sociale sont des sujets qui m’inquiètent. Il y a beaucoup moins de possibilités pour eux que pour nous, les jeunes cherchent leur place. Prenons l’exemple des emplois jeunes, après les cinq ans que durent le contrat, ils n’ont rien alors qu’ils sont l’avenir de notre pays ». Chercher sa place, c’est bien ce que constate Chrystelle Delord, pour qui « les mesure inadaptées entrainées par les préjugés récurrents engendrent encore plus de malentendus et les jeunes ne savent plus sur quel pied danser » Dans ces conditions, il apparait donc compliqué de quitter le domicile familial avant 23 ans, surtout avec l’allongement de la durée des études. Et même si en 2008, 19,6% des étudiants travaillaient pendant leur scolarité, un problème demeure, celui des logements étudiants. « Le problème des logements étudiants, dans lequel j’ai baigné l’année dernière, n’est traité par aucun parti politique. Pourtant, la France compte de plus en plus d’étudiants et il existe de moins en moins de logements étudiants… Cherchez l’erreur ! » estime Mikhaël Defoly. Valérie Pécresse, ex-ministre de l’Enseignement supérieur, a promis de doubler le nombre de logements étudiants d’ici 2020 pour atteindre 680 000, quand 1,5 million d’étudiants cherchent à se loger tous les ans.

Article publié sur Lyon-Webzine

Comments
5 Responses to “Jeunes : Halte aux préjugés”
  1. Oparu dit :

    Peut-être que les gens en général sont tous très doués pour critiquer les autres en s’appuyant sur des préjugés sans même se remettre en question ? C’est cette image que renvoie les adultes ils se croit tellement supérieur aux jeunes ( et ne parlons même pas des enfants lorsqu’il parle d’éducation il ne les traitent même pas comme des humains, mais ils disent que c’est de la faute de la société ) et aux autres adultes (ah oui, et même si tu es majeur tu ne sera pas traiter en adulte avant d’avoir minimum 25 ans). Bref, depuis que je suis toute petite tout les adultes que je vois me renvoie une image immonde de l’être humain et moi je veux juste vivre ma vie comme je le veux sans que les adultes me fasse chier avec leur préjugés (qu’ils ont transmis à leurs enfants).

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